Loi n°2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République dite « loi CRPR »

Mis à jour le 10/01/2023

1. Contexte

La loi n°2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République dite « loi séparatisme » s’inscrit dans la suite des discours du président de la République prononcés lors du 150e anniversaire de la République le 4 septembre 2020 et aux Mureaux le 2 octobre 2020. Elle entend apporter des réponses au repli communautaire et au développement de l’islamisme radical, en renforçant le respect des principes républicains et en modifiant les lois sur les cultes.

2. La laïcité et la neutralité des services publics

– Renforcementde la laïcité et de la neutralité dans les services publics : Inscrivant dans la législation une position déjà reconnue dans la jurisprudence, la loi dispose que les principes de laïcité et de neutralité s’appliquent aux salariés des titulaires de contrats de marché public, des concessionnaires, des bailleurs sociaux et des organismes qui ont une mission de service public (SNCF réseau, RATP, Aéroports de Paris, sociétés HLM, etc.).

– Référent laïcité et journée de la laïcité : Un référent laïcité et une journée de la laïcité le 9 décembre de chaque année sont mis en place dans les administrations.

– Contrôle de légalité : Le contrôle des actes des collectivités locales qui porteraient gravement atteinte à la laïcité ou à la neutralité dans un service public (cantines, équipement sportifs, ) est revu. Ainsi, le préfet pourra déférer l’acte et en demander la suspension au juge administratif, qui aura 48 heures pour décider.

– Délit de séparatisme : Un nouveau délit de séparatisme vient protéger les élus et agents publics contre les menaces ou violences pour obtenir une exemption ou une application différenciée des règles du service public.

– Dispositif d’alerte : Les agents publics pourront, par ailleurs, signaler via le dispositif d’alerte existant les menaces ou atteintes à l’intégrité physique dont ils sont victimes.

– Délit d’entrave à la fonction d’enseignant : La création de ce délit intervient en réponse à l’assassinat terroriste de l’enseignant Samuel Paty.

3. Le contrat d’engagement républicain

– Objet : Les associations ou fondations, qui demandent une subvention publique, devront s’engager à respecter le caractère laïque et les principes de la République (égalité femme-homme, dignité humaine, fraternité, etc.) dans un « contrat d’engagement républicain ». Le respect du contrat devient une condition pour l’obtention d’un agrément ou la reconnaissance d’utilité publique.

– Sanction : Si les associations violent cette obligation, la subvention devra être remboursée. Toutefois, pour ne pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’association, la restitution de sommes ne concernera pas les sommes versées au titre d’une période antérieure au manquement au contrat d’engagement.

– Associations et fédérations sportives : Le contrôle par l’État des associations sportives et des fédérations sportives est renforcé. Les associations agréées seront aussi soumises au contrat d’engagement républicain.

– La liste des motifs de dissolution des associations est complétée : Les associations pourront se voir imputer des agissements commis par leurs membres, agissant en cette qualité, ou des agissements directement liés à leurs activités.

– Financements étrangers : À l’initiative des députés, les financements étrangers reçus par les associations loi 1901 qui touchent plus de 153 000 euros de dons par an et par les fonds de dotation seront contrôlés.

4. Création d’un Délit face à la haine en ligne

– Objet : Un délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle est créé. Ce nouveau délit sera puni de 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende si la victime est un agent public, un élu, un journaliste ou une personne mineure.

– Comparution immédiate : La comparution immédiate est désormais prévue pour les délits de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (provocations publiques à la haine ou à la violence, négationnisme, etc.), sauf pour les contenus contrôlés par des directeurs de publication de presse (régime de la responsabilité en cascade). Il s’agit de sanctionner les abus les plus graves et manifestes à la liberté d’expression, favorisés par les réseaux sociaux.

– Sites miroirs : Afin de lutter contre les sites miroirs qui reprennent des contenus illicites déréférencés ou bloqués par la justice, une nouvelle procédure est mise en place. L’objectif de la loi (art. 39) de la loi confortant le respect des principes de la République est « d’assurer l’effectivité d’une décision de justice exécutoire constatant l’illicéité d’un site ». Ainsi, lorsqu’une décision de justice exécutoire ordonne la suppression d’un site internet présentant du contenu haineux, le nouvel article 6-3 de la LCEN offre à l’autorité administrative un pouvoir d’action directe pour formuler une demande de blocage des sites « miroirs », sans qu’une décision de justice soit nécessaire pour chaque URL de site, comme c’était le cas auparavant.

– Un nouveau régime de modération des contenus en ligne (en prévision du futur règlement européen « Digital Services Act ») : Un nouveau régime de modération des contenus illicites est imposé, jusqu’à la fin 2023, aux plateformes en ligne. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) devra superviser les processus de modération mis en place par les réseaux sociaux, plateformes de partage de vidéos, moteurs de recherche, etc. et pourra prononcer des sanctions financières (jusqu’à 20 millions d’euros ou 6% du chiffre d’affaires mondial).

5. L’instruction des enfants et les mesures sur la famille

– Scolarisation : La scolarisation de tous les enfants dans un établissement scolaire devient obligatoire à la rentrée 2022 et l’instruction d’un enfant en famille devient purement dérogatoire. L’école à la maison sera soumise à autorisation (et non plus seulement à déclaration) et accordée uniquement pour quatre motifs :

  • état de santé ou handicap de l’enfant ;
  • pratique d’activités sportives ou artistiques intensives ;
  • itinérance de la famille ;
  • situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif.

– Écoles privées hors contrat : Un régime de fermeture administrative des écoles non déclarées ou qui n’ont pas remédié aux défaillances constatées par l’administration est créé. Le préfet pourra s’opposer à l’ouverture d’écoles hors contrat soutenues par un État étranger hostile à la République.

– Polygamie : La loi traite la polygamie sous l’angle des titres de séjour et des pensions de réversion et renforce la lutte contre les mariages forcés. En cas de suspicion, l’officier de l’état civil devra s’entretenir individuellement avec chaque futur époux. Si des doutes persistent, il devra saisir le Parquet.

– Certificats de virginité : La délivrance de certificats de virginité devient interdite et sera punie d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Un amendement des parlementaires prévoit aussi de punir le fait de contraindre une personne à se soumettre à un tel certificat.

6. Le contrôle des associations cultuelles et des lieux de culte

– Objet : La loi modifie la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État et la loi du 2 janvier 1907 sur l’exercice public des cultes. Ainsi, les conditions de création et de gouvernance des associations gérant un lieu de culte prévues par la loi de 1905 sont revues afin de les protéger des prises de contrôle malveillantes par des groupes radicaux (clause dite anti-putsch). Les associations cultuelles devront se déclarer auprès du préfet tous les cinq ans, et déclarer tout don étranger ou cession d’un lieu de culte à un État étranger. Le préfet pourra s’y opposer lorsqu’un intérêt fondamental de la société est en jeu.

– Transparence des avantages accordés par les collectivités locales pour la construction de lieux de culte : Les communes et départements devront informer préalablement le préfet, avant toute garantie publique pour un emprunt destiné à la construction d’un édifice cultuel, ou la conclusion d’un bail emphytéotique.

– Pour les associations dites mixtes, qui relèvent de la loi du 1er juillet 1901 et qui exercent un culte, leurs obligations, notamment administratives et comptables, sont alignées sur celles des associations cultuelles : certification dans certains cas de leurs comptes, distinction comptable de leurs activités cultuelles du reste de leurs activités, déclaration de l’argent provenant de l’étranger... Le préfet pourra enjoindre à une association dont l’objet est en réalité l’exercice d’un culte à se déclarer comme association cultuelle. Aujourd’hui, plus de 90 % des mosquées sont sous le régime de loi de 1901.

– Police des cultes :La peine en cas de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence commise par un ministre des cultes est portée à cinq ans de prison. La tenue de réunions politiques dans des lieux de culte est plus sévèrement sanctionnée. L’organisation d’opérations de vote pour des élections politiques françaises ou étrangères y est clairement prohibée. Le juge pourra, par ailleurs, interdire à une personne coupable d’un délit à la police des cultes de paraître dans les lieux de cultes. Le préfet pourra fermer provisoirement les lieux de culte en cas d’agissements provoquant à la haine ou à la violence.